Virgin, Fnac...La concurrence déloyale d'Amazon

Publié le 11 Janvier 2013

Virgin, Fnac... Pourquoi la vente de biens culturels est devenue impossible en France

Le HuffPost  |  Par Grégory RaymondPublication: 04/01/2013 12:54 CET  |  Mis à jour: 04/01/2013 13:14 CET

 

Virgin Fnac

 

 

ISTRIBUTION - C'est un des symboles les plus marquants de la vente de produits culturels qui s'apprête à faire ses adieux à la France. Avec la déclaration en cessation de paiement des magasins Virgin, une page se tourne, même si les fameux "Megastores" sont toujours à même de se relever à travers une éventuelle procédure de redressement.

Virgin est confronté depuis plusieurs années, comme d'autres distributeurs spécialisés, à la chute de ses marchés traditionnels, comme les CD et les DVD. En deux ans, le groupe a déjà réduit ses effectifs de 200 salariés. C'est désormais les 1000 autres qui travaillent dans les 26 derniers magasins français qui sont aujourd'hui sur la sellette.

Outre les magasins Virgin, ceux de la Fnac non plus n'ont pas de quoi voir l'avenir en rose. Victime du téléchargement illégal, de la concurrence du e-commerce et de la dématérialisation croissante des produits (musique, vidéo...), "l'agitateur culturel" a réalisé un chiffre d'affaires en baisse de 3,2 %, en 2011, tandis que son résultat opérationnel courant s'écroulait (-7,5 millions d'euros au premier semestre 2012).

Téléchargement illégal et chute des ventes de disques

Il y a dix ans, les ventes de CD atteignaient leur maximum, soit 150 millions d’unités et 95% des achats de musique. En 2010, ce support n'en représente plus que 49%... Selon le SNEP (Syndicat National de l'édition Phonographique), les ventes de disques ont chuté de plus de 50% depuis 2005. Une descente aux enfers qui a surpris les acteurs traditionnels de la distribution, qui ont bien du mal à trouver un nouveau modèle.

Les consommateurs boudent désormais les magasins et préfèrent acheter ou télécharger (légalement ou illégalement) les CD ou les DVD sur Internet. Notamment les plus jeunes (18-24 ans) qui sont 62% à regarder des films en streaming, constatait le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) au premier semestre 2012.

Concernant Virgin, "la raison majeure de son échec s'explique par le fait que le groupe a beaucoup misé sur la vente de musique, dans un secteur pourtant touché par l'effondrement du marché physique", explique une enseigne concurrente. Une stratégie doublement sanctionnée par l'implantation des magasins de la marque.

Un positionnement géographique dangereux

Virgin, c'est d'abord un symbole des Champs-Elysées. Peut-être même la plus célèbre adresse de la plus belle avenue du monde. À tel point que le Virgin Megastore parisien génère 20% du chiffre d'affaires total de l'entreprise, mais avec un sacré point noir: le loyer, estimé à 6 millions d'euros par an. Un gouffre, pour "le plus grand magasin de musique du monde" installé depuis 25 ans.

Miné par la chute des ventes de disques, Virgin ne peut qu'observer le positionnement réussi des enseignes Cultura et Leclerc. Parties à la chasse des villes moyennes, les deux marques ont choisi de s'implanter là où l'offre culturelle était moins développée qu'ailleurs. Ainsi, Leclerc est devenu en un rien de temps le deuxième acteur du secteur.

La Fnac a tenté de s'inspirer du concept, en ouvrant ses premières Fnac "vertes" dès la fin 2008. Pas question d'écologie dans ce surnom, mais un clin d'œil flatteur aux "périphéries", loin des centres-villes plus habitués à voir fleurir les boutiques de l'enseigne. Plus petites, ces boutiques marquent leur différence avec une offre culturelle beaucoup plus réduite, faisant la part belle au petit électroménager et à la papeterie.

La concurrence déloyale d'Amazon et d'iTunes

Avec une offre exhaustive, des frais de port offerts et un temps de livraison record, Amazon s'impose comme le ténor du marché, qu'il domine avec ses 20% de parts. "Amazon fait peur à tout le monde", concède un professionnel du secteur, citant la force de frappe du groupe américain et son excellente logistique.

Il faut dire que la Fnac ou Virgin peuvent difficilement rivaliser. Les recettes des activités commerciales françaises d'Amazon sont allouées au siège européen du groupe au Luxembourg, où la fiscalité est plus légère. Le fisc français lui réclame d'ailleurs 200 millions d'euros en arriérés d'impôts et en pénalités pour les années 2006-2010.

Cette particularité fiscale permet à Amazon, mais surtout à Apple, de conserver des marges correctes sur la vente de musique en ligne. Pour les acteurs français traditionnels, "c'est un marché à faibles marges que ne rapporte pas grand chose", note un spécialiste de la vente de biens culturels.

Ainsi le magasin d'Apple, iTunes, pèse 80% du marché. Les FAI (Fournisseurs d'accès Internet) comme Orange et son portail Deezer arrivent loin derrière (10 à 15%), quand la Fnac récupère les miettes en plafonnant à 3,5%. Illustration de cet échec, la plate-forme FnacMusic redirige depuis quelques jours vers iTunes...

La Fnac en pleine tempête

Si la disparition de Virgin Megastore n'est pas encore enterrinée, la Fnac inscrit également son avenir en pointillés. L'entreprise, qui emploie 11.000 salariés en France, cumule les pertes et a annoncé début 2012 un plan d'économies de 80 millions d'euros et 500 suppressions de postes dans le monde dont 310 en France.

Propriétaire de la Fnac, le groupe PPR cherche à la vendre depuis trois ans, mais faute d'acheteur, il s'est résolu à annoncer une mise en Bourse pour 2013. Le tout en essayant de mener un numéro d'équilibriste, consistant à conserver une image dynamique, ne serait-ce qu'avec les Fnac "vertes".

"La direction a fait le choix de la diversification de son réseau plutôt que de celui de la rationalisation", commente un concurrent bien pessimiste: "Les dernières retouches au sein de la Fnac ne consistent qu'à 'habiller la mariée', mais plus personne ne veut investir dans la vente de bien culturels".

Rédigé par Zac_Lauwin-Planque

Publié dans #Investisseurs - Emplois

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